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Merveille n°4 : Lee Jeffries, Portraits.






Avril 2023. Une de mes meilleures amies, Manon, vient me rendre visite à Milan. Je commence à me demander ce que je vais bien pouvoir lui faire faire. Je lève la tête lorsque je suis dans les rues. Je repère les jolies endroits que j’aimerais lui faire découvrir. (Les meilleurs glaciers surtout.) Et puis il y a cette affiche. Lee Jeffries. Portraits. Au musée Diocesano. L’âme au-delà de l'image. On y perçoit le visage d’une jeune fille. En noir et blanc. (J’adore le noir et blanc.) Manon, je t’embarque.


Nous entrons dans une salle. Une seule salle d’exposition. Il doit y avoir vingt photographies au maximum. Vingts photographie et une petite pièce où l’on projette un film retraçant l’histoire de Lee Jeffries. Et bien, croyez-le ou non, c’est largement suffisant pour y rester deux heures, et avoir les yeux embués de larmes à la sortie.


Lee Jeffries est un photographe anglais. Comptable de profession, sa vie bascule en 2008. Alors qu’il est à Londres afin de participer au marathon, Lee Jeffries part marcher, sa caméra en main ; il aimerait prendre quelques photos de rues. C’est alors qu’il remarque une femme sans-abri de l’autre côté de la chaussée. Il tente de la photographier mais, très vite, celle-ci s’en aperçoit et l’incendie. Toutes les personnes aux alentours observent Lee. Très embarrassé. Tout en lui lui crie de s’en aller. De fuir. D’échapper à tous ces regards. Mais il ne fait rien de cela.


Bien au contraire, il s’arrête un instant, traverse la rue, et va à la rencontre de cette femme. Il s’assoit à ses côtés, lui parle, écoute ce qu’elle a à lui partager. Et pour la première fois de sa vie, Lee a le sentiment de sortir de son monde. Pendant ses trente dernières années, Lee n’avait pensé à rien d’autre qu’à lui. Sa carrière. Son histoire. Ses propres tourments. Aujourd’hui, il réalise qu’il y a autre chose. Il se voit dans les yeux de cette femme. Il se reconnaît dans sa solitude.

“I think my own sens of loneliness is what drives me out on to the street. “

Lee prend conscience de la puissance de sa compassion. Une compassion dont il n’aurait jamais pensé savoir faire preuve. Une compassion qui deviendra le moteur de son art. Le moteur de sa vie. Une compassion qui l’a ammené à s’approcher de cette femme, dans les rues de Londres. Et une compassion qui le poussera à recommencer. De nombreuses fois. À Londres. À Chicago. À Seattle. À San Francisco.


Il descend dans les rues. Ne sachant pas ce qui l’y attend. Il marche. Il marche, et observe les regards de ceux qu’ils croisent. Il est vrai que, lorsque l’on s’adresse à quelqu’un, on s’adresse d’abord à un regard. Et c’est dans l’échange de ces regards, que le lien se crée. Lorsque que l’on considère l’autre, et qu’il nous considère à son tour. Comme un pacte implicite. Presque instantané. Le regard, tout y réside. C’est par lui que passe la rencontre. Et c’est toujours ce point de départ que Lee cherche à recréer dans ses portraits.


Lee Jeffries dit souvent qu’il tombe amoureux de ses sujets. Comme un coup de foudre. Il souhaite, avant tout, apprendre à les connaître avant de les photographier. De telle manière à ce que chaque portrait soit porteur d’une histoire.

Une photo ne peut être pris qu’à partir du moment où le sujet a confiance en son photographe. Qu’à partir du moment où il se sent à l’aise. Et assez en sécurité pour se montrer lui-même. Il devient alors possible de capturer une émotion authentique. Véritable. Qu’il s’agisse de la tristesse, ou de la joie.


Les photos de Lee ne sont pas là pour mettre en avant le fait que ces personnes soient sans-abri : elles sont là pour célébrer leur existence. Pour leur rendre leur humanité. Pour faire ressortir toute la beauté de leur combat.

Lee Jeffries, comme beaucoup d’artistes, est un microscope binoculaire vivant. Il regarde la misère, et sait en extraire toute la beauté. Il transforme la boue, en or. La misère, en grandeur. La vulnérabilité, en force. Il nous met face à une partie de l’humanité que nous feignons d’ignorer. Qui sont ces personnes ? À quoi pense-t-elle ? Qui sont leur amis ? Leur famille ? Comment trouve-t-il la force de se battre ?


Par ses images, Lee nous ramène à l’essentiel. À ce que nous sommes. Des êtres humains. Pas plus, pas moins. Des êtres fragiles, sensibles, vulnérables. Des êtres que seules la compassion et l’amour peut unir. Que seules la compassion et l’amour peuvent sauver.


Lee espère que ces images pourront, à leur échelle, influencer ceux qui les verront dans leur manière de considérer les personnes sans-abri. Si cela se traduit par un regard, un bonjour, ou un sourire. C’est positif. Si cela se traduit par une aide financière à une association. C’est formidable. Parce qu’ici réside tout le sens de son travail. Éveillez notre propre compassion. Et qu’elle devienne, au quotidien, moteur de nombreuses actions.


Je vous laisse maintenant découvrir ses oeuvres ;-)
























À la semaine prochaine pour d'autres merveilles :-)

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